A propos du discours de Christian Brevard, je parlais vendredi de l'innovation comme piste pour lutter contre les délocalisations. Je pose, moi, la question du financement de cette innovation. Dans l'esprit des Français, dès lors qu'on parle d'innovation, on pense inévitablement à l'OSEO (qui regroupe l'agence anciennement nommée ANVAR), mais le passage au travers de leurs filtres est sans pitié. Reste aux entrepreneurs d'autres pistes, souvent méconnues, pour financer le lancement de leur activité, qui peuvent passer par les Business Angels ou le Capital Risque. Quelle différence ? Est-ce la réponse appropriée pour relancer l'économie et enrayer le chômage ? Je le pense, et pour étayer mon discours, je m'appuierai sur les propos de Bernard Zimmern (Président de l'iFRAP), publiés dans le Figaro, les 27 janvier 2003 et 16 septembre 2004 (merci Josiane pour le second).
Ces données, bien que datant d'au moins un an restent à mon avis d'actualité, et aucune initiative nouvelle ne va dans ce sens. Depuis des années, le gouvernement multiplie les initiatives d'accroissement des fonds pour développer les PME, mais malgré tout, le chômage continue de progresser. La raison en est simple : multiplier les FCPI/FCPR n'a aucune incidence sur le nombre d'entreprises créées. Nous avons aujourd'hui autant de fonds de financement du développement des entreprises que nos voisins anglo-saxons, mais nous pêchons par un manque sévère d'investisseurs individuels : les Business Angels. En effet, un fonds de Capital-Risque sert essentiellement à consolider une entreprise existante, mais n'intervient quasiment jamais dans la création d'entreprise. En aucun cas il ne peut remplacer un Business Angel, et il ne peut même prospérer que si un Business Angel a déjà créé l'entreprise dont il va financer le développement.
Aux Etats-Unis, les gouvernants ont compris cette différence depuis 1958 et ont mis en place des mesures fiscales adéquates. Ainsi, les Business Angels participent à la création de dizaines de milliers d'entreprises, surtout les plus intéressantes pour atteindre le plein-emploi : les Gazelles, ces entreprises à fort potentiel de croissance, capitalisées au départ entre 100.000 € et 1 million d'euros. Un rapport remis à Renaud Dutreil démontrait il y a deux ans déjà que ces entreprises étaient les seules à pouvoir créer 100.000 emplois supplémentaires par an. Or, financer le démarrage d'une Gazelle est, dans la majorité des cas, impossible à des Fonds de Capital-Risque. Rappelons leur fonctionnement. Ils consentissent à investir sans demander de garanties matérielles (comme les banques), mais ils n'assument que des risques dits "raisonnables". Investir dans une entreprise en création représente pour eux trop de risque, et les sommes à investir sont trop faibles pour un investissement rentable.
Investir quelques centaines de milliers d'euros dans le lancement d'un produit ou d'un service qui n'a pas été testé et avec des initiateurs qui n'ont pas prouvé leur capacité de gestion, seuls les Business Angels sont capables de prendre et de gagner de tels paris. Si l'Amérique résiste à la crise, c'est grâce à son million de Business Angels qui injectent dans la création d'entreprises environ 100 milliards de dollars par an, 10 fois plus que le Capital-Risque. La Grande-Bretagne possède, à elle seule, plus de Business Angels que tout le reste de l'Europe (50.000 en 2003) et mobilise près de 7 milliards d'euros dans la création des Gazelles. En France (4.000 Business Angels en 2003), ce sont seulement 280 millions qui sont investis de cette manière.
Cette pénurie entraîne un lourd déficit en création d'entreprises, et donc en création d'emplois (environ 100.000 par an). Ce qu'il faudrait, ce serait, non pas que l'on supprime des fonds de Capital Risque, qui ont leur utilité pour fournir aux entreprises les fonds propres nécessaires à leur expansion; mais encourager la naissance de Business Angels pour décupler ce type d'actionnariat le plus rapidement possible. Par exemple, il faudrait doubler la détaxation pour passer des 25% de l'Avantage Madelin (dont l'effet a été quasi nul, puisque seuls 240 millions ont étés ainsi investis en 2003) aux 50% du taux nominal de l'impôt sur le revenu. Ce changement serait tout à fait légitime, en effet, le risque pris par un Business Angel étant beaucoup plus important que celui assumé par un fonds de Capital Risque, que la détaxation offerte dans les deux cas soit la même n'a aucun sens, et les exemples étrangers vont dans ce sens. Outre le taux, il faut également réviser le plafond afin qu'il permette un investissement suffisant pour le démarrage d'une Gazelle.
Le manque à gagner pour le Trésor serait de l'ordre de 2 milliards d'euros, mais il a été démontré que la TVA moyenne payée par les Gazelles créées ces dernières années représente environ 90% de leur capital. Ces rentrées fiscales excéderaient et précéderaient le manque à gagner de l'exemption. Ces mesures fiscales fortes sont ce dont les entreprises françaises ont besoin pour redresser la barre.
Je vote Oui ! ... avec une motion "mise en oeuvre rapide" ou mieux "retroactive sur l'année 2005"
Posted by: David de TalentPower | 31 May 2005 at 11:59
L'absence, en France, de capital d'amorçage (seed-capital) et de capital-développement, pour les petites entreprises ou les projets innovants, est un sujet qu'ont largement exploré les start-up de la bulle internet entre 1999 et 2001. Avec de graves désillusions à la clé pour la plupart des entrepreneurs...
La problématique est liée à plusieurs facteurs, en sus simples considérations de rendement économique, sachant que garantir à des investisseurs ≥20% de rentabilité immédiate des capitaux est un exercice très périlleux à concrétiser, une fois sorti de l'abstraction du business-plan:
1. Pour commencer, il faut citer l'attitude inacceptable des banques françaises, qui ne financent quasiment plus le développement des TPE/PME et PMI, mais se concentrent exclusivement sur des produits et des clients à faible risque et forte valeur ajoutée. Ce qui est très rarement le cas d'une entreprise récente ou d'un projet innovant...
2. L'état d'esprit des Business Angels français est assimilable à celui d'un broker New-Yorkais se rendant à son travail en charentaises. De grands discours aux anglicismes sophistiqués, des business-plan sur de nombreuses années prenant en considération de nombreuses hypothèses, elles-mêmes validées par de beaux tableaux... pour finir par un refus poli et non-motivé. Les entrepreneurs se devant d'avoir, durant la discussion, une attitude de gentil indigène en attente de la bienveillance des missionnaires colonialistes...
3. L'inexistence d'incitations fiscales "déterminantes" pour les institutions et les particuliers souhaitant investir dans les petites entreprises. A la fois en terme de défiscalisation des investissements non-rentables et sur l'allègement "sensible" des profits réalisés sur les opérations rentables.
4. L'idée générale des capitaux-risqueurs anglo-saxons part du principe qu'une seule affaire qui marche sur dix, permet de rentabiliser les sommes investies dans les neuf autres. On crois réver hein ! :-)
Ce petit commentaire pour dire que les entrepreneurs "innovants", particulièrement ceux ayant affronté deux chocs pétroliers, une ou deux crises sectorielles et quelques déboires sur leurs fonds propres, n'attendent plus de capitaux pour développer une activité qui créé des emplois, mais se sont recroquevillés sur de très petites structures aux faibles coûts structurels.
La motivation d'un entrepreneur est de voir son entreprise grandir, passer de 1 à 3, puis 5 à 7 salariés, puis de 10 à 20 et ainsi de suite... Qui aujourd'hui ose encore afficher une telle ambition ??
Posted by: Eric GLANZ - SAMOORAI Internet Business Agency | 01 June 2005 at 13:51
Merci Frédéric cela a le mérite d'être écrit.
En France, lancer une activité est une douce gageure. Le syndrôme du "Jeune Diplômé" touche les jeunes entrepreneurs : les bilans comtpables remplaçant la trop fameuse" expérience".
Un ami entrepreneur à Bordeaux, allant à sa banque pour financer les travaux de son local, c'est entendu répondre "...le scoring est négatif car en tant qu'entrepreneur vous êtes assimilé au même taux de risque qu'une personne sans emploi. Le scoring a donc retenu les seuls revenus de votre épouse...". Les revenus de ladite épouse étant inférieurs de plus ou moins 20% à un poste équivalent tenu par un homme.....refus de la Banque.
Il serait temps que nos banquiers redeviennent banquiers et arrêtent leur mutation d'Assureurs. A chacun son métier. Dans cinq ans, ils se reveilleront et leur place sera occupée...par les banques étrangères qui commencent à percevoir la marge de manoeuvre possible auprès de jeunes dirigeants (après les fameuses 3-5 ans d'exercice).
Posted by: Sophie Januel | 11 June 2005 at 11:09